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Publié le par Réagir

 HISTORIQUE DE LA PLAINE DE LA CRAU
 
Il y a 2 millions d'années, la mer qui noyait la basse vallée du Rhône, laisse place à la Durance qui étend son delta entre Eyguières et la Camargue.
A cette époque la Durance prend sa source dans les Préalpes, dont les roches calcaires charriées sur des dizaines de kilomètres viennent s'accumuler dans le delta : c'est la naissance de la "vieille Crau" ou "Crau d'Arles" tandis qu'à la même époque Homo habilis fait ses premiers pas debout en Afrique...
Lors des premières glaciations (- 600 000 ans), un nouveau delta se forme à partir du seuil de Lamanon : c'est la "jeune Crau".
Au plus fort de la glaciation du Wurm, il y a 18 000 ans, des mouvements tectoniques ouvrent le seuil d'Orgon entre les Alpilles et le Luberon, la Durance s'y engouffre, et quitte la Crau pour aller se jeter dans le Rhône à hauteur d'Avignon. La plaine couvre alors un vaste territoire au sud des Alpilles jusqu'à la mer et au Grand-Rhône, soit près de 40 000 hectares.
Alors commence l'assèchement du delta fossile de la Durance, ancien cône de déjection qui a donné la plaine alluviale de 57 000 hectares que nous connaissons aujourd'hui.
En provençal le terme Crau désigne une surface pierreuse.

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Déjà, au Néolithique :
Il y a environ 6 000 ans, des hommes parcourent cet espace à la tête de leurs troupeaux. Des marques d'enclos pour l'élevage (murs en arc de cercle de 30 à 40 mètres) datant de la fin du Néolithique (3 000 ans avant JC) ont ainsi été découvertes lors des fouilles archéologiques réalisées ces vingt dernières années.
 
A l'époque romaine, une intense activité pastorale :
L'immense espace de la Crau Gallo-romaine, de même que la Camargue, est favorable à l'essor d'un important élevage extensif. Les nombreux bergers vivent alors avec leur famille, leurs chiens et leurs ânes, sur des sites comprenant bergeries, cabanons, four à pain et puits.
 
Au Moyen-Age, les "capitalistes":
La Crau caillouteuse est divisée en immenses parcelles appelées coussouls ( du latin cursorium, parcours) appartenant à l'aristocratie, aux établissements ecclésiastiques ou aux communautés comme celle de la ville d'Arles. Dans les coussouls, troupeaux et bergers passent la nuit dehors, abrités par de grandes claies de roseaux, dans des enceintes de galets en forme de croissant (les "crosses"). Les propriétaires de troupeaux, que l'on appelle déjà des capitalistes (le terme cheptel vient de capital), recrutent alors leur main-d'oeuvre parmi les gens de la montagne. C'est à cette période que se met véritablement en place le système de transhumance estivale vers les alpages.
 
Aux 16ème et 17ème siècles :
L'irrigation en Crau date de la Renaissance avec les travaux d'Adam de Craponne, ingénieur du Roi Henri II, qui achève un canal de 62 km entre la Durance et l’étang de Berre. Ses collaborateurs, les frères Ravel, en dérivent la branche d’Arles quelques années plus tard. Grâce au retour des eaux de la Durance, la vie des paysans de Crau va changer, l’aridité des coussouls n’est plus une fatalité.
Les travaux d'irrigation transformèrent la partie nord et un peu de la partie occidentale de l'aride plaine en véritables oasis sur lesquelles se trouvent actuellement cultivées les prairies de foin de Crau AOC (aujourd’hui 12 000 ha). En effet la mise en culture des coussouls est facilitée par la richesse en limons des eaux de la Durance : en quelques années d’irrigation gravitaire, les limons déposés recouvrent les galets pour former un sol riche. En plus d’un foin de renommée internationale, ces prairies fournissent une abondante pâture aux brebis pendant l’hiver et sont donc un complément indispensable du coussoul.
 
Au 19ème siècle, avènement de la race mérinos d'Arles :
Les bergeries contemporaines des coussouls datent de cette période. Suite à l'effondrement des cours mondiaux de la laine (1860), la vocation de la mérinos d'Arles doit changer : de "bête à laine" elle se mue progressivement en producteur de viande.
 
A partir des années 1960 :
La croissance des marchés nationaux, les nouvelles techniques agricoles et les parcelles immenses favorisent l'installation de vergers intensifs et grignotent les parcours à moutons : les coussouls.
Le maraîchage envahit les pâturages de Crau avant de régresser dans les années 1970, remplacé par l’arboriculture intensive. Les vergers couvrent aujourd’hui près de 5 000 ha. Autres causes de régression des coussouls : infrastructures, carrières, complexes militaires et industriels y trouvent aussi de vastes surfaces à conquérir.
Aujourd'hui, plus de 75 % des surfaces de coussouls ont disparu. Il en reste à peine 7 000 hectares.
Le CEEP agit depuis 1987 pour la protection de la plaine de la Crau, dernière plaine steppique de France.
 
L'élevage transhumant de Crau, avec l'appoint de techniques nouvelles (clôtures mobiles, panneaux solaires, radiotéléphonie, hélioportage en alpages...) est bien placé pour répondre à la société concernant l'entretien de l'environnement et de la biodiversité : entretien de milieux ouverts, maintien de la flore des prairies de Crau, défense de la forêt contre les incendies dans les massifs et collines, prévention des avalanches en montagne...
Avec plus de 100 000 brebis pour environ 160 éleveurs, la plaine de Crau demeure le principal terroir de l'élevage ovin de Basse Provence. Sa place dans l'économie régionale est prépondérante : qualité et variété des agneaux produits, vente de reproducteurs mérinos d'Arles, complémentarité avec la production de foin de Crau, embauche de bergers salariés, installation de jeunes bergers sans terre, nombreuses foires ovines qui parsèment les saisons et réunissent tondeurs, marchands, transporteurs éleveurs alpins...
 
COMMENTAIRES GENERAUX
 
La plaine de la Crau, épandage naturel de cailloutis grossiers sur un sol plus ou moins argileux, mis en place par l'ancienne Durance, constitue un vaste plan incliné s'abaissant du nord-est au sud-ouest. Son sommet est au seuil de Lamanon (séparation entre les Alpilles et la chaîne des Costes) à 116 m d'altitude, sa base atteint les marais de la "coustière" à une côte d'environ 0 m.
Ce vaste territoire présente un déficit hydrique qui détermine une végétation xérique (en limite du semi-aride dans sa partie sud selon le diagramme d'Emberger). Le pâturage multiséculaire a crée une association végétale spécifique qui est l'une des plus riche de toute la région méditerranéenne : le coussoul. La Crau sèche est l'unique zone méditerranéenne française présentant de tels biotopes steppiques, s'apparentant à un reg d'Afrique du nord. L'irrigation a permis, surtout au nord de la plaine, l'installation de prairies productrices d'un "foin de Crau" réputé (AOC). On peut ainsi distinguer ainsi la Crau humide qui est une zone de prairies crées grâce à l’irrigation où l’on cultive le foin de Crau, et la Crau sèche, dernière steppe aride d’Europe (coussouls).
 
A quelques centimètres sous la surface du sol s'étend une véritable dalle de ciment naturel : le poudingue (ou "taparas"en provençal), roche imperméable et résistante qui se forme à cause du calcaire contenu dans les eaux de ruissellement, qui ont progressivement enrobé les galets jusqu'à les cimenter entre eux sur une épaisseur pouvant atteindre plusieurs mètres.
Ainsi, rares sont les arbres qui ont réussi à pousser dans le coussoul, en faufilant leurs racines dans les failles du poudingue pour accéder à la nappe phréatique pourtant peu profonde. C'est donc la strate herbacée servant de pâture aux moutons (coussoul) qui est le milieu caractéristique de la plaine de Crau.
 
La végétation est soumise à la sécheresse estivale du climat méditerranéen (aridité au moins trois mois par an), amplifiée par un mistral qui souffle 110 jours par an, et à l'abroutissement saisonnier des moutons, ce qui entretient "l'écosystème coussouls". Ce dernier se présente donc comme le résultat d'un éqilibre multiséculaire entre le sol, le climat, la végétation et le pâturage.
 
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